dimanche 23 décembre 2012

La Bourse du Talent, un autre regard sur la photographie

Quatorze jeunes photographes et autant de regards sensibles sur le monde, dans un haut-lieu de la culture française : l'exposition de la Bourse du Talent, qui vient de s'installer pour la sixième fois à la Bibliothèque nationale de France, confirme encore cette année son statut d'événement majeur du monde de la photographie. 

Le vernissage de l'exposition, qui s'est tenu jeudi dernier, a attiré près de 500 photographes, journalistes, experts, institutionnels, dont Daniel Barroy (Chef de la mission de la photo au Ministère de la culture), Jean-Pierre Bourgeois (Directeur du Salon de la Photo), Frédérique Founès (Agence Signatures) ou le célèbre photo-journaliste Éric Bouvet. Selon le Président de la BnF Bruno Racine, également présent au vernissage, cette exposition annuelle témoigne des recherches des photographes émergents, et "de l'originalité de leurs points de vue. Qu’ils empruntent les chemins de leurs grands prédécesseurs, qu’ils inventent de nouveaux moyens d’interroger le médium, tous font œuvre, tous examinent l’état du monde. Le besoin de témoigner appelle de nouveaux moyens. Il leur inspire de forger un vocabulaire plastique personnel, lié ou non aux nouvelles techniques."
Fidèle à son engagement en faveur des nouvelles expressions photographiques, la Bourse du Talent 2012 se remarque par la diversité et l'originalité des points de vue proposés. Cette année, une large rétrospective est consacrée à Rémi Ochlik (tué en Syrie en février dernier), de sa première expérience en zone de conflit, en Haïti après la chute du président Jean-Bertrand Aristide en 2004, aux révolutions du Printemps arabe, en passant par les reportages réalisés en France. "La qualité de son regard et son intelligence des situations se montre à plein dans les images  présentées à la fois en hommage et en préface," écrit Bruno Racine dans le texte de présentation de l'exposition. "De ses écrits nous retiendrons la conscience du danger, la sensation de la peur et le souci de la surmonter, force caractéristique des grands reporters que furent Robert Capa et Gilles Caron."

De gauche à droite : Vasantha Yogananthan (lauréat de la Bourse du Talent Espace), Guillaume Cuvillier (Nikon),  Didier de Faÿs (photographie.com) et Bruno Racine (Président de la BnF) (c) Emmanuel Nguyen Ngoc/BnF  

Vasantha Yogananthan, lauréat de la Bourse du Talent Espace pour sa série Piémanson, met en évidence la vie paisible des habitués de la dernière plage non-réglementée d'Europe. Dans sa série Barbapapa, Isabelle Chapuis, lauréate de la Bourse du Talent Mode, met en scène des délicieuses expérimentations plastiques autour du célèbre produit de confiserie. Les lauréats de la deuxième édition chinoise de la Bourse du Talent, Bu Gacise, Li Xinzhao et Wei Bi nous proposent un voyage dans la Chine profonde, sur les traces des minorités Yi ou Tadjik. 
Joan Bardeletti, lauréat de la Bourse du Talent Reportage, présente les tentatives d'intégration en Italie d'un groupe de migrants africains venus de Libye, et explore les frontières du photo-journalisme. Dans une interview réalisée en avril dernier, Joan Bardeletti souligne la tradition d'ouverture de la Bourse aux expérimentations photographiques : "J'ai essuyé quelques refus de la presse sur la série Black Snow et des remarques quelques fois très négatives à propos de l'approche que j'avais choisie. Je pensais et reste toujours persuadé que c'était la meilleure façon de traiter le sujet, mais le doute s'installait. (…) Est-ce que ma conviction allait être partagée par d'autres ? Est-ce que ce travail allait remporter l'adhésion ? Comment la transgression des codes usuels du photojournalisme allait être reçu ? Gagner la 49e édition de la Bourse est une splendide réponse à ces questions !"    
Joan Bardeletti (lauréat de la Bourse du Talent Reportage), Thierry Grillet (Directeur des affaires culturelles de la Bnf), Guillaume Cuvillier (Nikon), Bruno Racine (Président de la BnF) et Patrick Ganansia ( Directeur de Herez). (c) Emmanuel Nguyen Ngoc/BnF

Thomas Sanchez, lauréat de la Bourse du Talent Portrait pour sa série Sueños compartidos, partage cette opinion. Venu d'Argentine -où il s'est installé il y a quelques années- pour assister au vernissage, le photographe s'est déclaré "surpris de découvrir que la Bourse du Talent choisit des gens qui vont plus loin, qui sont différents, qui montrent autre chose. Nous faisons tous partie de la même génération et de la même culture, mais la Bourse réussit à éviter les codes figés de ce qui se fait en ce moment en photographie." Selon Vasantha Yogananthan, ce qui "caractérise la Bourse du Talent, c'est le panorama qu'elle donne de la création contemporaine. On peut y lire plusieurs tendances, celle du décloisonnement des genres et des pratiques par exemple. Que considère-t-on comme du portrait, comme du paysage ?"
Les travaux des quatorze lauréats, mentions spéciales et coups de coeur, resteront visibles le long de l'allée Julien Cain jusqu'au 17 février 2013. Ce sera l'occasion, pour le public très divers de la BnF, de non seulement découvrir les représentants de la nouvelle création photographique, mais aussi de réfléchir à leur propre rapport à l'image, et aux enjeux liés à l'avenir de celle-ci. Car, comme le souligne Didier de Faÿs, tous ces travaux "sont à leur manière une proposition politique ancrée sur notre planète et sur notre début de XXIème siècle. Pourquoi ces prises de risques ? Pourquoi vouloir réaliser des prises de vues alors que l'on sait qu'elles ne seront pas publiées ? La presse qui se débat pour survivre, a depuis fort longtemps oublié son compagnon de route, la photographie. (…) On demande aux photo-reporters de mettre leur talent et leurs regards au service de la communication d'entreprise, et il semble que la demande réduit de plus en plus tout espoir d'alternative. Il faut du courage à un jeune photographe pour envisager de réaliser une carrière libre."
Roxana Traista
20/12/2012








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